Voile au Liban : peut-on vraiment comparer Marine Le Pen à Michelle Obama ?

Mardi 21 février, dans le cadre de sa visite officielle au Liban, Marine Le Pen devait s’entretenir à Beyrouth avec Abdellatif Deriane, le grand mufti du pays, la plus haute autorité religieuse. À son arrivée devant la mosquée de Aïcha Bakkar, il a été demandé à la présidente du Front National de se voiler : un protocole commun lors de telles rencontres. Cependant, Marine Le Pen a refusé de porter ce voile : « Vous transmettrez au grand mufti ma considération, mais je ne me voilerai pas », a-t-elle déclaré. « La plus haute autorité sunnite du monde n’a pas eu cette exigence, par conséquent, il n’y a pas de raison… « , a insisté Mme Le Pen en faisant référence à sa rencontre avec le grand imam de la mosquée Al-Azhar en mai 2015 au Caire. Elle est ainsi repartie sans rencontrer Abdellatif Deriane.

Marine Le Pen décriée / Michelle Obama adulée

Gilbert Collard, le député FN du Gard et secrétaire général du Rassemblement Bleu Marine,  a aussitôt réagi sur Twitter. Selon lui, la candidate, critiquée pour son attitude, n’a pas bénéficié du même soutien que Michelle Obama lors de sa visite en Arabie Saoudite.

En janvier 2015, le couple présidentiel américain s’était, en effet, rendu en Arabie Saoudite afin de présenter ses condoléances au lendemain des funérailles du roi Abdallah. A la sortie de l’avion, Michelle Obama est apparue cheveux au vent, vêtue d’une longue veste, d’un haut fluide et d’un pantalon noir ample. Aucune trace de voile, la première dame a gardé la tête découverte face à la délégation saoudienne.

Deux situations similaires ?

En Arabie Saoudite, alors que la loi oblige les femmes vivant sur le territoire à se couvrir la tête, elle n’oblige pas les femmes étrangères à faire de même. De nombreuses invitées ont d’ailleurs déjà refusé de le porter avant Michelle Obama. Au Liban, aucune loi n’oblige le port du voile à qui que ce soit. Marine Le Pen comme Michelle Obama n’ont donc rien fait « d’illégal » en refusant de se couvrir la tête. Comme le précise Carl Anthony, auteur de First Ladies : The Saga of the Presidents’ Wives and Their Power, sur son blog, le protocole n’obligeait pas non plus la première dame américaine à se voiler.

Il y a cependant deux grandes différences entre Marine Le Pen et Michelle Obama. La première est que les deux femmes n’ont pas rencontré les mêmes personnes. La présidente du Front national a rencontré un responsable religieux, qui l’avait prévenu du port obligatoire du voile, chose confirmée par son entourage selon l’Express. La première dame américaine a rencontré des membres du gouvernement. Si elle ne porte pas de voile en cette circonstance, elle en a toujours porté un dans un lieu de culte ou en présence d’autorités religieuses, comme à Jakarta ou au Vatican. Tout comme un homme se couvre la tête dans la synagogue, se découvre à l’église, se déchausse à la mosquée; une femme porte un voile dans les lieux de culte.

La deuxième différence est d’un point de vue plus politique. Marine Le Pen et Michelle Obama n’ont pas les mêmes « rôles ». Dans Vanity Fair, le journaliste Claude Askolovitch reprend la théorie des deux corps du roi d’Ernst Kantorowicz et l’applique à Marine Le Pen. En résumé : un roi a son corps, charnel et périssable, mais il a aussi un corps symbolique, intemporel, qui incarne sa fonction, le pays, la Nation. Marine Le Pen, se portant candidate à la présidence de la République, a donc ces « deux corps ». « Refusant le voile, Marine Le Pen a protégé son corps sacré. Ce n’est pas une femme, que l’on aurait photographiée acceptant une norme religieuse, mais la France. C’était impossible. Marine le Pen l’a empêché ». Dans le cas de Michelle Obama, elle n’était « qu’épouse de président, et son corps, s’il prolongeait l’Amérique, ne l’incarnait pas ».

Juliette Martinez et Céline Delbecque

 


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